2013
2013

Quai d’Orsay

De Bertrand Tavernier

Un grand ministère de la France contemporaine, celui des Affaires Etrangères. Des centaines de personnes qui s’agitent comme des abeilles autour d’un ministre zébulon. Mais un homme pressé autour duquel tout le monde s’affaire, les portes claquent en coup de vent mais il ne lit pas les discours qui lui sont écrits, revus, corrigés éternellement. En surface, le dernier opus de Bertrand Tavernier ressemble à une comédie. En profondeur, c’est un regard grinçant sur les arcanes de la politique française contemporaine, son effervescence un peu vaine. Avec tous ces éléments, la grande réussite de la musique de Philippe Sarde tient au fait qu’elle évite consciemment tous les chausse-trappes du sujet : avant tout et très consciemment ce n’est pas une musique de comédie.

Il en épouse bien des codes (scandale politique, chantage, extorsion, meurtre, amour tragique) mais pour mieux les subvertir ; le tout dans une forme très libre, quasi onirique. Le rêve de tout musicien de cinéma. Ici les deux grands architectes du film sont Bruno Nuytten et Philippe Sarde. Le premier pour sa lumière splendide, le second pour sa musique fantomatique.

La fusion est telle que chacune semble se nourrir l’une de l’autre. Barocco aurait pu être le Vertigo d’André Téchiné, puisqu’après tout il y est aussi de transfert d’affection. Mais le film est plus intelligent qu’un simple hommage, parvient à se hisser à un tout autre niveau. A la partition de Sarde d’éviter toutes les figures imposées par le genre.
Il y a bien un sens de l’urgence, comme dans les figures ultra-rapides du thème principal, mais le compositeur prend bien garde de s’affranchir du fantôme de Bernard Herrmann. Ecoutez bien ce thème du générique aux cuivres déchainés : c’est On se voit se voir, chanson titre du film, mais arrangée à un tempo effréné. Comme la fuite du couple Adjani/Depardieu vers des jours meilleurs, vers une rédemption illusoire.

La musique de Barocco est bel et bien ce nocturne sans aucune aube salvatrice. Et dans les méandres duquel les personnages se perdent. Il y a bien quelques rais de lumière venus de la ville, comme une musique de manèges (« les temps modernes »), quelques pièces fonctionnelles comme « la radicale » est ses rythmes afro-cubains : mais c’est l’ambiance blafarde du score qui retient l’attention et fascine.
Même « romance », ébauche très épurée de thème d’amour, notes de piano hésitantes et cordes caressantes ne sont-elles pas finalement une inversion du dies irae, comme pour sceller d’emblée le destin des personnages ?
Barocco a remporté en 1977 le César de la meilleure musique originale.

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